Fonds de renaturation : les villes en manque d’information

Date de publication

avril 2023

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Les vagues successives de chaleur qui se sont abattues sur l’Europe l’été dernier ont été un nouveau marqueur d’intensification du changement climatique et une injonction à la mobilisation pour en contrer les effets. Les villes représentent l’un des acteurs les plus à même de mener cette lutte sur le terrain, de manière aussi efficace que pérenne. Afin d’accélérer la transition écologique dans les territoires via son plan France Nation Verte, un Fonds vert de 2 milliards d’euros a été débloqué par le gouvernement dont 500 millions d’euros  dédiés à la renaturation des villes et des villages* en juin 2022. L’Observatoire des villes vertes a interrogé en début d’année son panel de villes pour connaitre ses ambitions concernant le plan de renaturation**. Alors que les crédits commencent à être distribués aux communes et que le gouvernement prévoit de pérenniser l’aide, les collectivités s’estiment-elles suffisamment informées et mobilisées par le dispositif ? Quels types de projets sont prioritaires à leurs yeux ? Quelles bonnes pratiques ou initiatives sont considérées comme efficaces pour atteindre les objectifs assignés ?

64 % des villes manquent d’informations malgré un intérêt marqué

Soutien financier bienvenu pour les collectivités qui souhaitent lutter contre les effets du changement climatique, le fonds de renaturation suscite l’intérêt de 6 villes sur 10 (64 %) : 28 % comptaient candidater au programme et 36 % en étudiaient l’opportunité en début d’année. Pourtant, elles sont autant (64 %) à ne pas se considérer suffisamment informées sur la mise en œuvre concrète du plan.

Et pour cause : six mois après l’annonce de ce fonds de renaturation de 500 millions d’euros par le gouvernement, la gestion des crédits confiée aux préfets semblait encore très opaque aux yeux des communes qui peuvent y prétendre. Au manque d’information, s’ajoutent des exceptions relatives aux friches, aux biodéchets et à la biodiversité, qui sont gérées au niveau régional.

Pour Laurent Bizot, co-président de l’Observatoire et président de l’Union Nationale des Entreprises du Paysage (Unep) « Notre enquête confirme que les villes sont en demande d’un accompagnement global pour accélérer la renaturation de l’espace urbain. La pertinence de cet investissement ne fait plus débat, mais sa mise en œuvre demeure floue. La transition des villes mérite pourtant des réponses claires et rapides, pour que les effets de cet investissement ambitieux soient à la hauteur de l’urgence actuelle. Les annonces gouvernementales, à l’image du plan eau, vont dans le bon sens, mais restent conditionnées à une mise en œuvre facilitée et accessible. »

Des projets de végétalisation prêts à être financés

Une grande majorité des villes sondées est aujourd’hui dans une dynamique de construction pour continuer à s’adapter et certains projets de végétalisation sont d’ores et déjà prêts à être financés : 96 % des villes interrogées souhaiteraient allouer cette aide à des travaux concrets de renouvellement urbain intégrant du végétal. Projets de végétalisation des sols, des toitures ou encore des façades publiques sont par exemple en cours de réalisation pour la ville d’Amiens.

Par ailleurs, 64 % des collectivités interrogées alloueraient le budget à de l’ingénierie et aux études préalables pour définir et améliorer l’impact local de la nature sur leur territoire. La montée en compétences et la formation des agents est un enjeu assez important pour être soutenu par l’aide pour 20 % des villes sondées, comme l’augmentation des effectifs dédiés aux espaces verts (pour 24 %).

Enfin, chaque aménagement amenant son lot de questionnements, la pédagogie reste clé pour faire adhérer les citoyens à la politique végétale municipale – pour restaurer une trame bleue ou planter des arbres sur une place en centre-ville. Près de 28 % des villes auraient aussi recours au fonds de renaturation pour se faire assister à la concertation publique et à la pédagogie auprès des administrés afin d’expliquer leur démarche.

En plus du financement, les process administratifs sont perçus comme des leviers à optimiser, soit via un allégement des contraintes, soit par une modification de la temporalité des versements d’aides. Les projets de végétalisation, souvent accompagnés d’études et de travaux, s’inscrivent en général dans la durée. Ainsi, d’après les municipalités consultées, des versements fractionnés ou pluriannuels seraient moins contraignants que les subventions limitées à une année. A voir si la répartition des enveloppes par les préfets ira dans ce sens.

Gestion de l’eau et plantation en pleine terre : deux priorités pour les années à venir

Au-delà de ce plan et parmi les leviers à leur disposition, la plantation d’arbres et la gestion durable de l’eau sont considérées comme prioritaires par les villes en 2023 : 8 responsables espaces verts sur 10 (80 %) souhaiteraient investir dans la plantation de nouveaux arbres en pleine terre. Une mesure très populaire auprès des édiles, mais qui nécessite certaines conditions (variété des essences, résistance à la sécheresse) pour assurer la pérennité des plantations.

Parc de Mélizan (crédits : ville de Marseille)

L’amélioration de la gestion durable ou alternative des eaux arrive en 2e place dans leurs priorités puisqu’elle est citée par 76 % des villes interrogées. La ressource en eau constitue un élément fondamental vital à la survie des espaces verts. De plus en plus rare et régulée en été, aux dépens de l’arrosage des espaces verts, la disponibilité en eau est aujourd’hui une grande source d’inquiétude mais aussi d’ingéniosité pour les responsables espaces verts. Afin d’atténuer l’impact de ces restrictions, ces derniers se tournent vers des projets présentant des palettes végétales diversifiées et adaptées au climat local, comme la ville de Toulouse.

Enfin, si elles avaient à conseiller une autre ville dans les actions efficaces pour lutter contre les effets du dérèglement climatique, les communes interrogées plébiscitent globalement les mêmes projets : plantation (64 %) ou gestion de l’eau (68 %). La création d’abris climatiques ou d’îlots de fraicheur, en suivant par exemple le modèle des cours oasis (68 %) est autant conseillée.

Parmi les actions permettant le développement de la ville nature, viennent ensuite la création d’un nouvel espace vert pour 4 villes sur 10 (40 %) ou la modification du PLU ou du PLUi pour le rendre plus contraignant et y limiter l’artificialisation (56 %), lorsque d’autres leviers semblent encore confidentiels comme le financement des projets de végétalisation privée qui n’est conseillé à ce jour que par 1 ville sur 10 (12 %). Ce levier est pourtant très intéressant puisque l’espace privé représente la plus grande superficie des villes.

Pour Anne Marchand, co-présidente de l’Observatoire et présidente d’Hortis : « Cette enquête révèle que les besoins sont sur tous les fronts lorsqu’il faut revégétaliser nos villes : les villes préconisent en priorité des solutions tangibles et durables telles que la plantation d’arbres en pleine terre (qui relève de la création) ou encore une gestion alternative des eaux (qui a trait à l’entretien). D’autres besoins moins médiatisés mais tout aussi importants sont évoqués, comme ceux de l’ingénierie ou de l’étude préalable, assurant une meilleure pérennité des projets, ou encore d’assistance à la concertation publique avec les administrés, qui arrivent respectivement en 3e et 4e position.

Ce fonds peut être d’un vrai soutien à condition de suffisamment informer les services de la ville concernés pour y avoir droit et de viser la pérennisation des projets financés. Alléger les contraintes administratives sur les dossiers ôterait une épine du pied des communes en manque d’ingénierie, et qui ont potentiellement le plus besoin de ces subventions. Enfin, la gestion courante et écologique des espaces de nature créés doit être démontrée sur le long terme, et cet entretien demandera forcément de mobiliser des ressources supplémentaires. »

« La réintroduction de la nature s’avère être un défi complexe pour les collectivités : il est aujourd’hui nécessaire d’envisager une végétalisation globale, à l’échelle de ville, et non plus seulement de manière ponctuelle. Il est rassurant de voir qu’elles en ont saisi l’urgence et font preuve de créativité et d’ingéniosité. Mais elles manquent clairement de moyens pour la mettre en application. Sur la question de l’eau, il y a certainement une carte commune à jouer sur l’amélioration des relations entre gestionnaires privés et le service public pour en améliorer son usage, qui est indispensable à la pérennité du végétal. » analyse Laurent Bizot.

Pour toute demande de visuel ou d’échange avec un porte-parole à propos de l’enquête, cliquez ici.

* A noter : ce plan appartient au Fonds vert de 2 milliards d’euros de crédits annoncé par le gouvernement destiné à accélérer la transition écologique.

** Panel de 25 villes françaises interrogées du 17 novembre au 16 décembre 2022