Le génie écologique, une solution pour renaturer la ville

Date de publication

juillet 2022

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Les solutions de renaturation des villes semblent prendre de plus en plus de place dans les politiques publiques locales, pour contribuer à la protection de la biodiversité et répondre en partie aux conséquences du dérèglement climatique. Pour documenter ce qui semble être une dynamique croissante, l’Observatoire des villes vertes a mené une enquête auprès de son panel de villes en pointe, pour connaître la réalité du recours au génie écologique en milieu urbain. Ce savoir-faire, basé sur l’ingénierie écologique et fondé sur la résilience des écosystèmes, est-il connu par les municipalités ? Comment l’appliquent-elles concrètement ? À quel type d’expertise ont-elles recours pour mettre en œuvre les projets ?

Le génie écologique : une notion déjà très familière des villes et appliquée sur le terrain

La place de la nature en ville connaît un développement croissant, poussé par une connaissance accrue de ses bienfaits tant sur la qualité de vie des habitants (santé, loisirs, bien-être…) que sur la réduction des conséquences liées au dérèglement climatique (pollution, îlots de fraicheur, protection de la biodiversité, absorption des eaux de pluie…). L’Observatoire des villes vertes s’attache à mesurer cette dynamique à l’échelle des villes en étudiant les externalités positives attendues ou les pratiques nouvelles et exemplaires pour y parvenir.

Le génie écologique, qui fait l’objet de cette 12e enquête, peut être un levier à privilégier pour structurer les démarches de renaturation des villes : l’ensemble des 26 villes interrogées en connaissent le principe et les effets, à des degrés toutefois différents.

L’ingénierie écologique est définie, de manière simple, comme l’ensemble des actions par et/ou pour le vivant incluses dans une démarche de projet d’ingénierie. (A-IGÉco). Le génie écologique favorise la résilience des écosystèmes : il permet notamment la restauration de milieux naturels, la restauration de milieux dégradés et l’optimisation de fonctions assurées par les écosystèmes[1]. Un concept bien connu des villes : 62 % à des répondants déclarent très bien connaître cette notion, dont Marseille, Nancy, Brest ou encore Créteil. Restent 4 villes sur 10 (39 %) qui déclarent ne connaitre cette notion qu’« un peu ».

Aujourd’hui, 65 % des villes conduisent des projets de génie écologique, à l’instar de Paris, Reims, Angers ou encore Metz. La ville de Marseille indique par exemple y recourir pour ses projets de plantation forestière, de régénération naturelle de la banque de graines du sol ou encore du choix d’arbustes à baies pour préserver les populations d’oiseaux frugivores.

En parallèle, près de 2 villes sur 10 (19 %) projettent, dans un futur proche, de mener un projet avec du génie écologique, comme Créteil, Martigues ou encore Dinard. La collectivité de Toulon entend par exemple, dans le cadre de travaux comprenant du génie écologique, lancer prochainement un marché public pour se faire accompagner via une maîtrise d’œuvre et une assistance à maîtrise d’ouvrage. Seules 4 villes interrogées (15 %) n’ont pas encore initié de projet de génie écologique.

Une bonne méthode pour réintégrer la nature en ville

Le génie écologique ne répond pas qu’à un seul enjeu dominant de protection de la nature mais une grande palette de problématiques liées à la prise en compte de la nature en ville, dont les municipalités ont désormais conscience. On note qu’une majorité (67 %) de municipalités utilise le génie écologique à des fins de préservation des milieux naturels ou d’adaptation d’espaces en faveur de la biodiversité avec des trames vertes ou bleues (67 %). A ambitions égales figurent aussi la protection ou la restauration des milieux aquatiques (67 %) ou encore la renaturation d’un espace urbanisé (63 %).

« Le génie écologique est une notion plutôt jeune, encore méconnue du grand public, mais les villes ont pleine conscience de son utilité pour réagir face aux effets du dérèglement climatique : la grande majorité des municipalités de notre panel ont déjà recours au génie écologique, ou prévoit de le faire. Les besoins seront d’ailleurs croissants dans les années à venir pour répondre à l’impératif d’agir en prévention et non plus en réaction : l’engagement des municipalités dans la protection de la biodiversité et dans la renaturation des villes est tel que certaines grandes villes ont investi dans un service interne pour gérer le génie écologique. » souligne Pascal Goubier, président d’Hortis et co-président de l’Observatoire.

Les professionnels du paysage identifiés comme experts du génie écologique

En phase d’étude, les villes font principalement appel à un bureau d’étude spécialisé en écologie ou en paysage (respectivement 58 % et 54 %),telles que Perpignan et Bagnolet en paysage, et Cognac et Martigues en écologie. Toutefois, 43 % des villes, comme Brest, ont intégré cette compétence en interne, parfois à une échelle plus importante (communauté de communes).

Concernant les compétences nécessaires au génie écologique, les collectivités questionnées privilégient l’expertise des professionnels du paysage lors de la phase de travaux, dans leur technicité et leur respect du vivant. Au total, 8 municipalités sur 10 (79 %) font majoritairement appel aux professionnels du paysage pour plusieurs raisons : leur expertise technique et écologique mais également leur équipement adapté et leur expertise réglementaire. C’est le cas notamment des villes de Brest, Metz ou encore Argenteuil.

Ville de Metz
(crédits : ville de Metz)

38 % des communes interrogées, notamment à Royan, Amiens ou Seyssinet-Pariset, font appel aux professionnels des travaux publics, principalement pour la simplicité du process de contractualisation. Même si l’allotissement est la règle dans la commande publique, les prestations végétales sont souvent incluses dans les lots VRD ou gros œuvre, induisant alors des facilités de contractualisation non négligeables Certaines villes font aussi leur choix selon la nature du projet : la ville de Caen, par exemple, regarde de près les compétences nécessaires en hydraulique ou en hydrogéologie. Enfin, certains travaux et études sont réalisés en interne (botanique et de milieu) par des villes qui déclarent avoir les compétences nécessaires – comme Paris.

« Le génie écologique, s’il est bien implémenté, permet de recouvrer les dynamiques naturelles des écosystèmes et de limiter les interventions humaines dans des espaces bien définis au sein de la ville. Cette expertise spécifique ajoute une nouvelle corde à l’arc des professionnels du paysage, qui œuvrent chaque jour à la maîtrise du végétal dans l’espace urbain. Ces savoir-faire uniques contribuent à rendre le vert en ville toujours plus pérenne, accepté et bénéfique tant à l’environnement qu’aux habitants. Dans le contexte actuel que nous vivons tous (canicule, sécheresse etc.), les villes ont un intérêt évident à prendre en compte le génie écologique dans la conception et l’amélioration de leurs espaces verts » commente Laurent Bizot, président de l’Union Nationale des Entreprises du Paysage (Unep) et co-président de l’Observatoire.

* Méthodologie : L’enquête a été réalisée du 4 avril au 13 mai 2022 via un questionnaire envoyé par mail au panel de villes de l’Observatoire ; 26 villes ont répondu.

1 Source : Centre de ressources du génie écologique – https://www.genieecologique.fr/genie-ecologique